L’orage à la maison, notre conte musical écrit par Catherine Verlaguet a été sélectionné pour le Grand Prix du livre audio et le Prix du public de La Plume de Paon , catégorie jeunesse !!
Lors du Festival du livre audio, l’autrice a répondu aux questions du jouraliste Christophe Rioux, lors d’un live avec la Plume de Paon sur Facebook le 10 mai 2021.
Vous n’avez pas pu regarder le live ? Voici une retranscription de cette interview d’u conte musical pour enfant :
“L’Orage à la maison je l’ai porté longtemps avant de l’écrire et quand j’ai commencé à l’écrire, je l’ai écrit pour moi. C’était pour me décharger d’une émotion qui prenait beaucoup de place. J’avais besoin d’écrire cette histoire-là. La poétique est venue assez naturellement, le sujet étant très dur. Le fait d’utiliser la poétique, de transcender la langue m’a permis de rentrer dans la poétique, dans le propos avec moins de souffrance. Comme c’est quelque chose que j’écrivais moi toute seule, il n’y avait pas de visée particulière, de destination particulière. Mais assez rapidement je me suis dit que c’était pour la jeunesse, et donc j’ai accentué ça.
La genèse, c’est que je me suis rendue compte, qu’en fait, beaucoup d’enfants grandissent aujourd’hui, y compris mes enfants malheureusement, dans des climats de couples où les cris prennent beaucoup de place. Je voyais mes enfants, petits, parler avec d’autres enfants et parler de ça. Je me disais “tiens, c’est bizarre, parce qu’il y a beaucoup de choses sur les séparations, sur les couples qui se séparent, il y a pas grand-chose sur les couples qui ne se séparent pas, mais qui peut-être devraient et les enfants héritent souvent de cette colère-là”. A eux après de la digérer. Donc j’avais envie d’accompagner les enfants dans la digestion d’une histoire dont ils héritent et qui n’est pas la leur. Comme nous tous. On hérite tous d’histoires qui ne sont pas les nôtres et avec lesquelles il faut composer aussi. Donc la genèse c’était ça, l’envie d’accompagner les enfants dans la digestion d’histoires dont ils héritent, même si ça ne sont pas les leurs à la base.”
“Grâce à Domitille. Au début, c’était un roman, L’Orage à la maison, avant de devenir conte musical. Il faisait 25 pages. Publié, il aurait fait une cinquantaine de pages. Les éditeurs se questionnaient sur : est-ce que ce n’est vraiment pour la jeunesse ? Est-ce que ce n’est pas trop dur ? Parce qu’ évidemment l’adulte lui, il lit le deuxième degré. C’est une histoire poétique fantastique. J’ai utilisé l’univers fantastique, la fantasmagorie. Il y a tout un univers marin, il y a les parasites marins, il y a les monstres. Tout ça étant symbolique. L’adulte reçoit ce qu’il y a derrière la symbolique, et c’est pour ça que ça peut parfois lui paraître dur. L’enfant reçoit l’histoire, comme on reçoit le Seigneur des anneaux ou Harry Potter. Par contre, j’aime à penser que cette symbolique, s’inscrit quand même en eux et que peut-être le jour où ils en ont besoin, ils se rappelleront de cette histoire. Et au théâtre, on fait beaucoup ça. Les éditeurs au théâtre, les producteurs avec lesquels je travaille n’ont pas peur de ça, il n’y a pas de frilosité là-dessus. C’est vrai que peut-être, dans la littérature jeunesse, il y en a.
Heureusement, avec Domitille, on avait déjà travaillé ensemble et elle aime mon écriture. Elle a un lien avec le théâtre aussi, donc elle n’a pas du tout eu peur de ça. Le compositeur Marc Demais, avec qui on avait déjà travaillé sur le Fantôme de l’opéra, a été très touché par l’histoire. Il y a donc vraiment eu une envie commune de défendre cet objet-là, tous les trois. Parce que je pense qu’on était émotionnellement tous les trois très engagés dans cette problématique. On s’est dit qu’il serait plus pertinent d’essayer de le retravailler dans la forme qu’elle a l’habitude de défendre avec sa maison d’édition. Parce que ça permettait aussi d’en faire la création audio et créer des musiques de conte. Je me suis remise au travail et j’ai repris l’écriture du texte pour la réduire à l’essentiel. Je suis ravie que Domitille ait eu le courage et l’envie de le défendre.”
“L’envie, c’était vraiment d’être à hauteur d’enfant. Ce n’est en aucun cas de traiter le drame des parents. L’enfant, il est trop petit, il a 7 ans à peu près dans l’histoire. Il est trop petit pour appréhender ce qui se passe. Il reçoit sans le comprendre et il faut qu’il fasse avec. Donc ce qui se passe quand ça crie, quand l’orage est à la maison, il a tendance à s’enfermer dans sa salle de bain. Il se met dans sa baignoire, il tire le rideau et pendant que ça crie, sur le bord de sa baignoire, il y a un petit bateau miniature. Il va embarquer dans ce bateau. Parce que, vous savez, les coquillages dans lesquels on entend les tempêtes, il se dit “il faut que je trouve un coquillage capable d’avaler la tempête qu’il y a chez moi”. Lui, il est à sa hauteur. Il en fait un récit d’aventure. L’idée, c’est est-ce qu’on peut se débarrasser de ce genre de tempête ou est-ce qu’il faut l’apprivoiser ? Comme je vous le disais, c’est tout une introspection symbolique qui est faite de monstres et de clowns aussi, parce qu’il rencontrent des personnages assez drôles des fois sur son chemin.”
“Avec Mélanie Doutey, on était ensemble au théâtre, donc on se connaissait bien à l’époque. On s’est perdues de vue, parce que la vie fait que, mais on est restées en lien. Quand Domitille a proposé Mélanie, parce qu’on voulait une voix de femme, mais une voix de femme grave, pas une voix fluette, pour raconter aussi cet univers qui peut aller vers le sombre. Il fallait une voix qui puisse être à la fois dure et à la fois douce, à la fois maternante et effrayante par moment. Donc quelques noms sont sortis, dont celui de Mélanie. Son histoire fait qu’elle aussi a eu l’envie de se défendre, elle a des enfants en bas âges et tout ça. Donc elle a rejoint le projet avec enthousiasme et assez rapidement. Elle a d’ailleurs donné quelques interviews à la sortie de l’album, ce qui nous a bien aidé. C’est vrai que c’était très agréable de sentir à quel point l’équipe était partie prenante. Il y avait une vraie envie d’en faire un objet et espérer qu’il trouve sa place dans le monde commercial, parce qu’en tout cas les tripes et le cœur y étaient.”
“J’ai fait énormément de recherches pour écrire. Déjà, il fallait que ça se passe sur l’océan, sur la mer. Il y a quelque chose de très amniotique dans cet univers-là. Ensuite, il y avait tout l’univers des parasites marins que je voulais traiter, parce que, pour faire l’analogie avec les humains dont vous parlez, les parasites se nourrissent de nous, mais nous aident à survivre aussi. Entre un parasite et son parasité, il y a une dimension d’emprise en fait. C’est cette analogie là qui m’intéressait, dans ces histoires dont on hérite et qui nous rendent victimes un peu aussi. Dont il faut arriver à se défaire. Et il y a la cité, que j’appelle la cité sous martyre, qui est en fait inspirée de l’Atlantide qui a disparu, comme s’il fallait en soi la cité interdite, celle qu’on va construire en soi, pour la faire émerger. Je me suis régalée. C’est quand même un roman que j’ai porté 7 ou 8 ans, que je lâchais, que je reprenais. Je me disais “non, c’est trop compliqué”. Et puis il me trottait, dans la tête, j’y revenais sans cesse. Donc, à un moment donné, je me suis dit “non, faut que j’aille au bout, faut que je m’y colle”. L’histoire ne m’a pas lâchée parce que moi-même je ne savais pas comment Arthur allait s’en sortir pendant longtemps. Donc j’ai dû lui faire rencontrer énormément de monstres, de guides, pour finalement trouver ce qui allait le sauver. Donc j’ai trouvé !”
“J’adore la psychanalyse, mais je sais que si je pense à la psychanalyse pendant que j’écris, ça me bloque complètement. Parce qu’après, j’essaye de de donner des leçons de morale, et ce n’est pas du tout mon droit et je ne sais pas faire ça en plus. Moi, j’écris parce que je me pose des questions. Je crée des univers qui, j’espère, ouvrent des portes de réponse ou des portes de possibles au lecteur. Après, ça lui appartient. Moi, ce que j’aime partager, c’est mon questionnement et c’est l’univers que j’ai. Après oui, évidemment, quand j’aborde des sujets comme ça, à un moment donné, je fais confiance à mon inconscient et je me dis “comment ça se fait que c’est cette image-là qui vient, comment ça se fait que c’est ce monstre-là qui vient” et je vais chercher. Mais cette recherche se fait presque dans un deuxième temps. Comme pour confirmer ou m’aider à creuser un petit peu ou à nourrir l’idée, mais pas trop. Je préfère rester dans le fantastique, quitte à ce que certaines choses me dépassent, nous dépassent. C’est dans ce qui nous dépasse qu’avec le sensible, ils se rencontrent. Dans ce qu’on ressent et pas dans ce qu’on comprend. Je pense que l’art en général est là pour exprimer et pas pour expliquer.”
“Alors, Mathilde, c’est la seule de l’équipe que moi, je n’ai jamais eu le plaisir de rencontrer. C’est Domitille qui l’a choisie. Ça se fait souvent comme ça dans la littérature jeunesse. Ce sont les éditeurs qui ont des accointances ou des partenariats. Moi, je l’ai validée, bien sûr. Mais on n’a jamais eu l’occasion de se rencontrer ou de travailler ensemble. Cet accompagnement-là, c’est Domitille qui l’a fait avec Mathilde. Moi, je l’ai suivi de loin et je leur ai fait confiance. Je trouve que le livre nous appartient à tous, donc c’est normal que chacun s’empare d’un endroit et ait aussi une certaine carte blanche. Il faut que chaque artiste trouve sa place. Donc il serait assez malvenu de ma part ou de la part de n’importe lequel d’entre nous, d’avoir une mainmise totale sur l’artistique. Effectivement, les illustrations sont crayonnées, donc ça amène quelque chose de très doux. Mathilde, elle est aux crayons de couleurs. Et j’en reviens à ce que vous disiez, le propos est sombre, mais la façon de le traiter est autre. Moi, j’écris beaucoup pour la jeunesse et ce qui me tient à cœur, c’est que les enfants entendent que, quoiqu’ils traversent, ce qui est important, c’est comment ils le traversent et comment grandir. Et donc il faut de la lumière, il faut des points d’accroche. Même si le sujet est dur, je pense que la façon dont il est traité n’est pas sombre. C’est une fable fantastique, qui a aussi de l’humour. Les illustrations de Mathilde, effectivement, vont vraiment bien dans ce sens-là. Elles sont douces. Elles sont très justes à cet endroit-là.”
“On en avait déjà écrit pour le Fantôme de l’opéra, donc j’avais déjà collaboré avec Marc sur l’écriture de chansons. Cette fois, c’était un peu plus facile. Ce qui est compliqué, c’est que moi, j’ai vraiment l’habitude d’écrire de la prose, et là on avait vraiment envie de faire des chansons qui vous restent dans la tête. D’ailleurs, elles vous restent, notamment celle du bernard l’hermite. Et on avait envie de ça. On a tous ce souvenir de chansons d’enfance qu’on fredonne encore. Donc il fallait que les chansons soient vraiment calibrées. Donc moi j’ai écrit une première version et après on a affiné ces versions-là avec Marc pour que ça aille vraiment sur la musique. La collaboration a été vraiment très très fine sur les chansons.”
“Pour moi, il n’y a pas de différence en fait. C’est étrange de le dire comme ça, mais quand j’écris du théâtre, je n’écris pas un théâtre classique avec un quatrième mur, des corps réalistes. Et je travaille avec des metteurs en scène qui travaillent beaucoup l’image, que ce soit des marionnettistes ou Olivier Letellier, avec qui je collabore le plus, parce que ça fait 10 ans qu’on travaille ensemble et qu’on a fait une dizaine de spectacles ensemble. Il travaille aussi beaucoup sur la symbolique. Je travaille beaucoup, même au théâtre sur comment provoquer les images mentales de celui qui regarde et, en fait, l’écoute ou la lecture, c’est pareil. Le film se crée dans votre tête. Alors, effectivement, quand il y a une voix qui lit, il y a un support vocal qui teinte ce que vous entendez. Mais comme quand vous lisez un livre. Il y a des illustrations, donc ce sont les illustrations qui vont conditionner. C’est moins un conditionnement qu’une provocation. C’est une provocation à votre imagerie personnelle. Moi, que j’écrive du théâtre ou un album, je suis dans le même état, entre guillemets. C’est-à-dire que l’investissement émotionnel est le même et quand j’étais comédienne, c’était pareil. C’est une interprétation de l’écriture.”
“Alors, Domitille a publié aussi en décembre une série de quatre petits romans illustrés, qu’on a voulu là plus ludiques justement. On a travaillé dessus pendant le confinement. Je pense qu’on avait tous besoin de choses aussi plus ludiques. Donc ces quatres petits romans illustrés sont aussi disponibles en audio. C’est Domitille, qui les lit, d’ailleurs. Ils s’appellent Nina, agent secret du quotidien. C’est une histoire que moi j’avais écrite pour ma fille quand, petite, elle voulait être agent secret. Donc je lui avais écrit des enquêtes, et Domitille a bien aimé ces histoires-là. Du coup, on s’est quand même amusé à créer des lexiques , pareil, à hauteur d’enfant, c’est moi qui ai écrit les définitions. A la fin, je propose aussi des jeux d’écriture, parce que je donne énormément d’ateliers autour des pièces de théâtre et donc j’ai ce rapport-là aussi. J’aime partager ce que j’aime pratiquer moi-même. J’aime voir les gens trouver leurs propres mots . Donc Domitille m’avait dit, : “tiens ça serait bien que tu proposes des jeux d’écriture et je suis ravie qu’on ait fait ça.
Là, bien sûr, des envies il y en a, mais il n’y a rien d’officiel, pour l’instant. Après, on verra ce qui se fait ou pas. Parce que vous savez, entre les projets qu’on a et ceux qui se font, il y a toujours une marge.”
Rendez-vous sur ici pour revoir la rencontre avec Catherine Verlaguet et re,dez-vous sur les plateeformes de streaming pour découvrir ce conte audio !